De Novembre à Décembre 2013 : un film « Passagers Résistants de la violence »

Dans le cadre de leur formation et des pratiques Langagières, le groupe RSB de niveau 2 (Réapprentissage des savoirs de bases) de l’année 2013-2014 a participé à un atelier de paroles. Une aventure qui  a permis de sortir du silence social.

Nous pouvons lire l’article de LA VOIX DU NORD publié le 04/02/2014 par Anne-Claire GUILAIN

Hénin-Beaumont : «Passagers résistants de la violence», un film qui prouve la nécessité de parler

 

image passagers

Ils s’appellent Éric, Redouane, Jean-Marie, Philippe, Yamina, Yacine et Pascal… Ont tous les sept eu des parcours scolaires chaotiques et se sont retrouvés sur les bancs de l’association Culture et Liberté dans le cours « Réapprentissage des savoirs de base ». Désormais, ils sont les héros d’un film intitulés « Passagers résistants de la violence ». Lundi, en mairie d’Hénin-Beaumont, leurs témoignages, « prenants et courageux », ont ému la salle.

« C’est courageux d’aller devant une caméra et de dire ce que l’on a dans les tripes », déclare une spectatrice après la projection. C’est qu’ils ont eu un cran incroyable, ces sept élèves de l’association Culture et Liberté (qui lutte notamment contre l’illettrisme), devenus comédiens le temps d’un film.

Cigarette, alcool, coups…

Comédiens mais pas seulement. « Ils ont osé parler, écrire, dire aussi… et dédramatiser les vécus. Ça a permis d’heureuses surprises » explique Dominique Cresson, l’un des formateurs de l’atelier de création de paroles avec Daniel Fatous, qui prête son visage et sa voix, en préambule du film.

« Place aux récits »… C’est Éric qui prend la parole en premier, parle d’une rencontre sur un terril avec « une copine », évoque le bien-être qui s’en suit puis la relation étouffante et d’une séparation nécessaire. Mais l’homme ne parle pas d’une amoureuse, mais d’une cigarette qu’il a eu du mal a quitté.

Apparaît alors Redouane à l’écran. Lui, a voulu parler de sa maison d’enfance, à Agadir au Maroc. Une maison pleine de souvenirs, qui l’obsède. Finalement, le témoignage est le plus nostalgique et le moins violent (puisque c’était le thème du travail mené), « mais tout est à l’intérieur, dans ma tête », nous a confié Redouane après le film.

C’est au tour de Jean-Marie de se confier face à la caméra. Lui, sa maison d’enfance est peuplée de mauvais souvenirs, à base d’alcool et de coups. Abandonné par sa mère, il vivra chez sa grand-mère « qui a choisi l’alcool et du coup on n’avait pas à manger le soir » et son oncle violent. Il reviendra tout au long du film pour évoquer sa scolarité impossible, « j’ai dû quitter l’école à 11 ans », mais aussi la rencontre avec sa femme et la naissance de sa première fille. « Je lui ai dit, toi, t’auras que du bonheur. Et à son premier Noël, on a mis un sapin. En fait, c’est là que je me suis dit que c’était aussi mon premier sapin et j’avais les larmes aux yeux… » Il finira son récit par la naissance de sa deuxième fille et ce qui lui a donné envie d’apprendre à lire : « Je veux les aider plus tard dans leurs devoirs. J’ai pas envie que ma fille me demande, c’est écrit quoi là papa ? et de ne pas pouvoir lui répondre autre chose que Papa y sait pas lire ».

 Pour l’amour de ses filles

Philippe confiera aussi dans le film avoir frappé son frère, Yamina reviendra sur ses difficultés scolaires, ce CE2 qu’elle a redoublé trois fois par « manque de compréhension », et tout ce cursus, jusqu’au CAP couture, sans maîtriser la lecture… Yacine a refusé lui de parler devant la caméra, « par gêne » dit-il, mais a écrit un texte lu par un des formateurs : «les gens ressentent de la pitié pour les animaux domestiques dans la rue mais pas pour des hommes et des femmes qui ont besoin d’aide ». Enfin, Pascal racontera son agression à la sortie d’une discothèque. Et sa réaction : « mon père me disait que dans la vie, faut jamais avoir peur. Alors je suis retourné dans la discothèque, pour demander aux trois gars pourquoi ils m’avaient frappé. Je n’ai pas eu de réponse. Mais depuis, à chaque fois que je les vois, ils viennent me serrer la main ».

« Moi, je m’attendais à ce que vous leur mettiez un macaron », Eugène Binaisse en fin de projection. Touché par ces témoignages, le maire dira son émotion : « on a tous une histoire à raconter et s’exprimer, c’est souvent dépasser ces moments difficiles ».

Visiblement c’est vrai, en tout cas pour Redouane, qui confie être ravi de l’expérience : c’était dur au départ de remuer tout ça, et au final, ça fait plaisir. Je suis très content de l’avoir fait.

Film que vous pouvez visionner sur : http://vimeo.com/funambulants